2 mars 2017, la cité antique Palmyre est enfin libérée. Mais auparavant les djihadistes avaient pris soin de détruire les derniers trésors antiques de la cité antique syrienne : le tétrapyle, un monument de 16 colonnes érigé par Dioclétien, et la façade du théâtre romain. J’ai mal pour la cité immémoriale de la reine Zénobie. Le djihadisme est ainsi le dernier avatar terrifiant d’une ignorance de masse. Les combattants de l’État islamique l’ont clairement montré en détruisant de nombreux sites archéologiques de la région. Ils veulent affirmer en faisant cela que tout doit commencer avec l’Islam.
Ainsi, en février 2015 les djihadistes* attaquent à coup de marteaux-piqueurs les œuvres du musée de Mossoul, deuxième ville d’Irak sous leur contrôle depuis juin 2014. Un mois plus tard, ils s’en prennent au bulldozer au site de Nimroud en Irak, l’ancienne capitale de l’empire assyrien, dont le territoire couvrait les pays actuels que sont la Turquie, l’Égypte et l’Iran. Suivront la destruction de la cité antique de Hatra. Cette cité fortifiée couvrait environ 320 hectares. Parmi ses vestiges les plus célèbres, deux taureaux ailés colossaux qui étaient les gardiens protecteurs de la ville. Selon le ministère du tourisme irakien, ce site antique a été entièrement rasé. Puis c’est au tour de Hatra. Cette cité connut la gloire il y a 2000 ans sous l’empire Parthe, due à la situation sur la légendaire Route de la Soie. Elle fut le premier site irakien à être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, en 1995. Ses destructeurs connaissaient-ils le moindre élément de son histoire ? Toujours est-il qu’ils la réduisent en poussière des marteaux-piqueurs, tout en filmant la scène, qui sera diffusée sur YouTube. Car l’intention est claire : la destruction de vestiges anciens s’inscrit clairement dans une haine du passé, de la culture, et de l’autre, qui vise à effacer toute trace des civilisations pré-islamiques. Pour l’État Islamique, statues, tombeaux et représentations favorisent l’idolâtrie et méritent donc d’être détruits. « Fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles pour les peuples d’autrefois qui les adoraient au lieu d’adorer Dieu », déclare un djihadiste en s’adressant à la caméra avant de rappeler que « le prophète (Mahomet) a ôté et enterré les idoles à la Mecque ».
Dès janvier 2015 plus de 2000 livres, manuscrits, inscriptions antiques datant pour certaines de plus de 7 000 ans avant. J-C, ont été détruits dans la ville de Mossoul par l’État islamique, selon des témoignages d’habitants. L’autodafé se serait déroulé dans la Bibliothèque centrale de la ville que les combattants islamistes voulaient « assainir ». Tout y est passé : livres de poésie, de philosophie, de santé, de sport, de sciences, cartes Ottomanes. Seuls les ouvrages jugés « islamiques » ont été épargnés.
Les terroristes islamiques s’opposent clairement à toute forme de culture. S’attaquer à ces richesses, à ces symboles historiques auxquels la population irakienne est attachée, est avant tout un moyen de la dominer. Ils lui disent : « Vous n’avez plus de passé, plus d’histoire. » Cette vision totalitaire est consubstantielle à Daech, il veut détruire tout ce qui est humanité. On le voit par ailleurs les Djihadistes Islamistes s’attaquent à l’art en général, à la musique, ils ne laisseront rien exister excepter l’ignorance la plus crasse.
Quelques mois plus tard, en juin 2015 malgré l’indignation de l’opinion publique internationale, l’EI s’en prend à Palmyre la cité martyrisée actuellement. Ce choix est symbolique. Par son rayonnement ancien, Palmyre demeure une ville mondialement connue. Ce fut un pivot entre l’Orient et l’Occident, un bijou de l’Empire romain d’Orient, faisant le pont entre l’Euphrate et la Méditerranée. Les djihadistes détruisent le temple de Baal et celui de Balshamin (datant du 1er siècle après J-C). Or, ces lieux étaient chargés d’une histoire, celle de la pluralité des croyances. En effet, les Romains, lorsqu’ils conquirent le Proche-Orient, laissèrent ses habitants libres de leurs cultes et ne détruisirent pas leurs temples. Puis, avec l’avènement de la chrétienté le temps fut transformé en église comme cela se faisait souvent à l’époque. Les membres de l’EI sont ainsi capables d’une barbarie plus grande que des peuples du Vème siècle de notre ère, que nous nous imaginons comme primitifs. « Les djihadistes essayent d’effacer l’histoire et l’identité du peuple syrien ainsi que tous les signes d’idolâtrie qui ne correspondent pas à leur système de croyance » commente Kishore Rao, le directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un nettoyage culturel, une destruction délibérée du patrimoine de l’humanité. La comparaison avec la destruction, en mars 2001, par les talibans des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan est emblématique. Il s’agissait de trois statues monumentales, creusées dans la paroi d’une falaise située dans la vallée de Bâmiyân, au centre de l’Afghanistan à une altitude de 2 500 mètres. Le site tout entier était classé lui aussi au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ainsi s’il y a une preuve de la montée de l’ignorance, c’est bien celle de la triste montée de l’Etat islamique. Les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, pour blasphème à l’égard du prophète, traduisent cette même incapacité d’accepter un discours libre et critique sur la religion. Que des Français, ou du moins de papiers, aient pu commettre ces attentats nous ramènent à des âges obscurs, ceux où l’on brûlait des sorcières et où on mettait à mort des parjures. Au XVIIe et XVIIIe siècle, les savant et les philosophes de Lumières firent de ce combat une de leurs idées phares et permirent aux Occidentaux de triompher de l’obscurantisme mais ce fut non sans mal.
Dimitri Casali
*Pour rappel ; on appelle “djihadistes” (de “Jihâd”, terme désignant la lutte et l’effort), les individus adhérents à une mouvance ou idéologie extrémiste, désireuse d’appliquer la loi islamiste par la violence et la terreur. Les différents groupes de salafistes-djihadistes souhaitent imposer une vision radicalisée de l’islam, sanctionnant ceux qui n’y adhèrent pas, musulmans ou non.