Interview Historock : “Certains veulent réécrire l’histoire, nous, nous voulons la chanter… !”

Un concept éducatif qui dépote pour rendre le goût de l’histoire de France aux jeunes français, et à tous les autres… Avec Dimitri Casali, historien, ancien professeur en ZEP et musicien.

Historock est un projet qui vise à sensibiliser les jeunes de 8 à 15 ans à l’histoire de France. Son but ? Dépoussiérer l’histoire en restant irréprochable sur le plan scientifique. Le projet est décliné en trois volets et la grande première aura lieu le 2 février à l’Alhambra à Paris 10e.

En quoi consiste votre projet Historock ?

Dimitri Casali : C’est un projet éducatif très ambitieux qui vise à sensibiliser les jeunes de 8 à 15 ans à l’histoire de France par la musique et la vidéo. Le projet est fondé sur une conception innovante de l’apprentissage de l’histoire : l’écoute ludo-éducative. J’ai été professeur d’histoire pendant dix ans en Zone d’Éducation Prioritaire, en banlieue nord de Paris, c’est là que j’ai inventé cette nouvelle méthode pédagogique pour éveiller la curiosité des élèves et leur donner l’envie d’en savoir plus. Grâce à des musiques et des vidéos incarnées par de véritables comédiens, je compte faire naître en eux une véritable passion pour l’Histoire de France.

Il y a trois volets au projet Historock. Tout d’abord le spectacle musical en dix-sept tableaux, des cathédrales au Général de Gaulle. C’est la première fois que l’on compose un opéra rock sur l’histoire de France. C’est une grande première. Nous le donnerons le 2 février à 18h30 à l’Alhambra à Paris, près de la place de la République dans 10e. Ce spectacle dépoussière l’histoire de France tant en restant irréprochable sur le plan scientifique. Tous les faits et les informations sont véridiques et vérifiés. C’est pour cela que le professeur Jean Tulard est le parrain du projet éducation Historock. Le 2 février, Franck Ferrand en sera le narrateur.

J’ai tenu à proposer une vision de l’histoire de France équilibrée. Comme je le fais depuis vingt ans, je suis un ardent défenseur d’un récit national fédérateur et d’une chronologie basée sur nos deux héritages. C’est le point crucial qu’on oublie toujours. Pourtant il n’est pas si difficile d’expliquer aux enfants que la France d’aujourd’hui est basée à la fois sur un héritage monarchique et chrétien dont il faut être fier et jamais le renier et sur un héritage républicain et laïc. C’est l’équilibre de ces deux principes qui fait notre spécificité.

Dans ces 17 chansons qui composent notre opéra Rock, il y a tout d’abord nos grands rois: Philippe Auguste, Saint Louis, François Ier, Louis XIV, l’incontournable, et nos deux empereurs. Je commence par les cathédrales qui, selon moi, sont à l’origine de la naissance de la France. Le premier vers est d’ailleurs : « Naissance des cathédrales, naissance de la France… ». Mais j’insiste aussi, dès les guerres de religion, sur l’apparition des prémices du concept de laïcité avec l’Edit de Nantes (1598). Aujourd’hui, la laïcité à la française est devenue une caractéristique spécifique qui n’existe nulle part ailleurs à travers le monde. L’héritage républicain est bien présent avec les révolutions et le Front Populaire avec Léon Blum. Pourtant, de nos jours, dès que l’on déclare son amour de l’histoire de France, on est de suite catalogué à droite ou à l’extrême droite, même quand on essaie d’être extrêmement rigoureux, scientifique et équilibré…

Le spectacle Historock est appelé à tourner dans la France entière. Je considère que c’est par l’histoire que l’on forme à la citoyenneté, C’est même devenu une mission de Salut Public. Si on veut résoudre la crise actuelle, la solution est avant tout éducative et notamment par l’éducation à l’histoire de France. Si l’on veut éviter des taux d’abstention astronomiques de notre jeunesse, il faut revenir à un enseignement de l’histoire extrêmement solide basé sur le  récit et la chronologie. Discutez avec vos grands-parents, vous constaterez de suite l’étendue de leurs connaissances et la différence avec les jeunes générations. Car désormais, on n’enseigne plus véritablement l’histoire. On accable les élèves avec des thèmes compassionnels et sociologiques : la lutte antiraciste, les droits de l’Homme, le féminisme.

Le 2e volet d’Historock est constitué par ces vidéoclips destinés à être accessibles gratuitement sur les plateformes. On a réalisé des vidéoclips pour qu’au fin fond des provinces les plus reculées ou des villages du monde rural, chaque école ou chaque famille ait accès aux 17 vidéos qui accompagnent notre spectacle musical. Les 17 personnages évoqués dans l’opéra rock font tous l’objet de vidéoclips, réalisés par le grand Youtubeur d’histoire Ugo Bimar qui a fait “Confessions d’Histoire” (un million de vues pour chaque épisode). Pour conforter notre approche ludo-éducative, nous avons choisi la veine comique. Par exemple, Jeanne d’Arc raconte son épopée dans le langage d’aujourd’hui et humoristique pour que les enfants de 8 à 15 ans puissent la comprendre sans difficultés. Nous avons testé les vidéos dans plusieurs collèges de ZEP et elles ont eu un succès fou, les élèves ont adoré. Enfin, nous avons aussi fait le choix de musiques modernes, faciles d’accès ( pop, rock, rap, R’n’b pour être dans l’air du temps). Nous les séduisons avec ces airs musicaux faciles à retenir mais plus encore par ces comédiens qui donnent chair aux personnages, à Jeanne d’Arc ou Louis XIV et qui les font mourir de rire. Grâce à cet ensemble, nous réussissons à éveiller leur curiosité. Depuis, ils ne cessent de demander plus de détails à leurs professeurs. Par exemple, nous avons réussi à faire chanter à quatre classes de cinquième, en banlieue nord de Paris, « Vive Henri IV ! Vive l’édit de Nantes ! », maintenant ils veulent tout savoir sur ce drôle de roi, assassiné par Ravaillac.

Sur la chaîne Youtube Historock, quatre vidéos sont d’ores et déjà en libre accès dont celle du bon roi Henri qui raconte son histoire et le contexte des guerres des religions du XVIe siècle. Il explique comment lui est venue cette idée de l’édit de Nantes, ce nouveau concept de liberté de culte et de tolérance qui deviendront progressivement les prémices de la laïcité à la française. Sans ce contexte difficile la laïcité ne serait jamais née en France.

Historock

Quel est l’apport éducatif et social que vous visez à travers votre projet original ?

Nous souhaitons avant tout transmettre notre histoire mais aussi rassembler. La France n’a jamais été aussi fracturée qu’aujourd’hui. Grâce à notre histoire unique au monde, si riche par rapport à l’histoire des Etats-Unis (200 ans d’existence seulement). Il faut raconter notre histoire à tous les élèves, quelle que soit leur origine. Il faut leur faire partager sa grandeur et sa face sombre avec toutes ses catastrophes. Ils ont besoin de se réapproprier leur histoire pour mieux bâtir leur futur, pour qu’elle redevienne une source de confiance en soi. Et c’est, en partie, en enseignant à tous les élèves notre émerveillement devant toutes ces femmes et ces hommes qui ont bâti notre pays et qui en ont fait ce qu’il est encore aujourd’hui… 90 millions de touristes étrangers (2019) ont en fait la première destination touristique au monde. Ils viennent voir en premier lieu la beauté de son histoire de Versailles jusqu’aux Invalides.

Notre histoire ne s’apprend pas par cœur. Elle s’apprend par le cœur. C’est aussi un pied de nez à tous les pédagogistes de l’école française qui aujourd’hui qui prêchent une lecture culpabilisante de notre histoire à travers l’esclavage ou les guerres de décolonisation, et qui font croire que tous les Français ont été des esclavagistes au XVIIIe siècle, des colonialistes au XIXe siècle et des infâmes collaborateurs au XXe siècle.

Grâce à une meilleure connaissance de l’histoire, on luttera contre cette immense vague d’ignorance. Le projet éducatif Historock, entend participer à ce combat et faire comprendre la complexité de l’histoire.

Vous avez un regard très critique sur l’enseignement actuel de l’histoire. Vous en soulignez en particulier son affaiblissement.

Bien sûr. Nous avons totalement renoncé à ce qui faisait la force de l’histoire de France : le récit et la chronologie. L’histoire c’est avant tout raconter des histoires comme disait Hérodote et la chronologie est la grammaire de l’histoire disait Cicéron. On a tout oublié, aujourd’hui on privilégie uniquement les études des documents d’époque profondément incompréhensible pour des enfants de 10 ans. Les pédagogistes se sont saisi de l’enseignement de l’histoire pour assécher cette discipline cardinale et faire naître auprès des élèves une véritable répulsion.

Je vais dans les collèges de Trappes, de Mantes-la-Jolie. On voit qu’il y a un véritable rejet de l’histoire car on enseigne plus une histoire de chair de de sang avec ses héros ou ses traitres. Les grands personnages sont négligés car ils sont assimilés aujourd’hui au culte de la personnalité dans une école pédagogisée empreinte d’idéologie et, bien souvent encore, de marxisme. L’Éducation nationale est le dernier domaine où le marxisme est encore prégnant. On le voit très bien dans les programmes scolaires avec certains manuels de Nathan et Magnard notamment ou à travers certaines périodes comme la Guerre d’Algérie, où l’on apprend à nos enfants la haine de la France.

Comment expliquez vous cela ? Quelles sont les causes de cet affaiblissement ?

Le problème est avant tout pédagogique et non pas idéologique. On a voulu enseigner l’histoire en tenant compte des avancées de l’École des Annales l’étude de documents et des courbes statistiques du prix du blé la veille de la révolution. C’est beaucoup moins vibrant que l’histoire de la prise de la Bastille ou l’épopée de Jeanne d’Arc. Comprendre comment une jeune fille de 17 ans a libéré la France est bouleversant…

Mais il y a également des raisons idéologiques. Jeanne d’Arc est devenue l’égérie du Rassemblement National. Certains inspecteurs généraux sur le terrain déconseillent formellement aux professeurs d’enseigner Jeanne d’Arc au collège.

Il existe une vision criminalisante de l’histoire de France. Il faut absolument culpabiliser. Cela est lié à la bien-pensance et l’idéologie antiraciste. Ce processus avait commencé avant l’arrivée de la cancel culture et du wokisme, mais avec l’apport américain, c’est devenu aujourd’hui de la folie.

La tendance woke est-elle inquiétante pour l’histoire ?

Gravissime, c’est le symbole de l’ignorance et de la bêtise crasse. Le fait de faire croire que le racisme est intrinsèque à la société française est totalement faux. La première leçon que l’on devrait apprendre à tous nos élèves est de toujours replacer dans le contexte de l’époque. Quand Louis XIV accepte de devenir le parrain d’un prince africain, on comprend qu’il n’y a à cette époque aucun véritable racisme. Mais il existait bien sûr un problème de barrière sociale, de castes. Louis XIV accepte parce que c’est un prince. C’était une société d’ordre et de classe, peu importait la couleur de peau. Si déjà on apprenait cela à nos enfants ainsi que les conditions de vie réelle de l’époque, on les rendrait moins haineux et plus nuancés sur les sujets de la traite négrière, avec la question des ports de Nantes et de Bordeaux notamment.

L’histoire est instrumentalisée par toute cette idéologie woke et de la cancel culture. On fracture davantage notre société alors que nous avons besoin d’être unis et rassemblés. Historock a cette volonté de rassembler. Il y a ces chansons par exemple sur Jacques Offenbach, qui est le compositeur du french cancan.

Le french cancan est le symbole de la France à travers le monde de Las Vegas jusqu’au Japon et c’est un petit Juif de Cologne, arrivé en France sans un sou qu’on le doit. Il va devenir le compositeur français le plus joué au monde avec Georges Bizet. Offenbach arrive à cela grâce à l’aide de l’Empereur Napoléon III qui va lui faciliter l’octroi de la citoyenneté française.

A la manière d’autres grands immigrés illustres comme Joséphine Baker présente dans notre opéra rock, tous clament leur amour de la France même s’ils ont souffert et qu’il n’est jamais facile de s’intégrer. Mais au bout du compte, tous sont fiers de s’être intégrés. Offenbach ou Joséphine Baker ont énormément participé au rayonnement culturel de la France.

La France représente cette ouverture aux valeurs positives et de méritocratie, une histoire qui apporte davantage d’espoir pour affronter l’avenir. C’est cela que nos hommes politiques ou nos décideurs n’ont pas compris. Au lieu de permettre au service public de France Télévisions ou à certains syndicats comme Sud-Education, de manipuler notre histoire, on empêche nos enfants d’affronter sereinement l’avenir.

Comment peut-on revitaliser l’histoire en France et réenchanter l’apprentissage de l’histoire en France ?

En étant un peu imaginatif. Quand on voit le débat sur la laïcité et quand on voit la manière dont on enseigne la laïcité dans les écoles, on ne peut être que profondément triste. Ce n’est pas ainsi que l’on fera comprendre ce difficile concept aux élèves. Il faut tout revoir et utiliser tous les vecteurs de la technologie moderne comme la vidéo, les images 3D et bien sûr la musique.

Si nous avions un grand ministère de la Culture qui investit considérablement dans un secteur du divertissement culturel de qualité avec une volonté réelle de vulgarisation, nous y arriverions. Regardez le cinéma français, pas un seul film historique qui ne soit à charge contre notre histoire. Regardez à titre de comparaison l’offensive du cinéma américain, russe, chinois ou même turc à travers le monde et vous comprendrez que nous avons un grave problème. Même s’il faut raison garder…

On pourrait déjà simplement raconter notre histoire, toute notre sans en avoir honte. La France possède une des plus belles histoires au monde et ne sait même pas la vendre à l’étranger. Le combat est donc et avant tout éducatif et culturel, si l’on mettait autant d’argent que l’on met dans le sport ou l’écologie pour l’histoire et la culture, je pense que la France reprendrait sa digne place dans le monde.

Si nous voulons marcher vers le futur, retournons toujours à nos racines…

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